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Comment Venturi embarque les composites sur la Lune

La Nasa a octroyé en avril dernier à la société américaine Venturi Astrolab Inc., partenaire stratégique de Venturi Space, un contrat portant sur le la faisabilité d’un véhicule lunaire, le rover Flex. Ce dernier devra faire face, grâce notamment aux composites, aux conditions extrêmes de la Lune.

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Flex pour Flexible Logistics and Exploration. C’est le nom du véhicule électrique lunaire développé par la société Venturi Astrolab, basée en Californie, (Etats-Unis) et son partenaire stratégique Venturi Space, situé à Monaco, en Suisse et en France.

En avril dernier ils ont été choisis par la NASA pour une étude de faisabilité dans le cadre du programme d’exploration Artemis. Fruit d’une collaboration internationale, ce rover partira pour la lune fin 2026 pour une mission commerciale. S’ils sont confirmés par la NASA fin 2025 pour une deuxième phase, ils y transporteront des astronautes sur Artémis 5 en 2031.

La mission commerciale se fera avec le Starship de SpaceX. Le rover sera fabriqué avec un bon nombre de composants qui utiliseront des matériaux composites. Son voyage permettra de faire évoluer son niveau de maturité technologique (Technologie Readyness Level – TRL).

Antonio Delfino, directeur et cofondateur du site suisse et en charge de toutes les activités spatiales Europe de Venturi Space (Monaco et France).

« Le but de notre rover Flex est de réaliser des opérations commerciales, de transporter des astronautes et enfin des charges sur la Lune. Une version terrestre du rover nous sert à faire les tests préliminaires », précise Antonio Delfino, directeur et cofondateur du site suisse et en charge de toutes les activités spatiales Europe de Venturi Space (Monaco et France).

Le pôle Sud de la lune, destination de l’expédition, présente un intérêt particulier pour les scientifiques en raison de l’existence de nombreux cratères contenant de l’eau sous forme de glace. « La Nasa a déjà publié 14 sites d’alunissage potentiels autour du pôle Sud. Le plus haut point y est situé à environ +6000 mètres et le plus bas à -5000 soit 11000 mètres de différence », détaille le docteur en physique, formé en cosmologie et en astrophysique, dont l’expertise englobe aussi bien l’énergie et les piles à combustibles que les matériaux composites.

L’exploration est un véritable défi à relever pour le véhicule, en premier lieu au niveau des liaisons au sol, des suspensions et des roues. « Les roues déformables et les suspensions sont une technologie clé, qui confère stabilité et confort aux astronautes ; ce qui permet de les transporter sans nausées », précise Antonio Delfino, qui a officié chez Michelin il y a quelques années.

Réinventer la roue

Les roues du Flex mesurent 930 mm de diamètre dans sa version lunaire, contre 630 dans celle destinée aux essais terrestres. En couches périphériques on trouve des matériaux métalliques, des polymères hyper-élastiques et des composites. Ces derniers sont constitués de résines thermodurcissables propriétaires et d’une combinaison de centaines de millions de fibres de renforts de 12 micromètres de diamètre de nature différente

Les composites des roues sont constitués de résines thermodurcissables propriétaires et d’une combinaison de centaines de millions de fibres de renforts.

« Nous avons créé un nouveau robot filamentaire et d’imprégnation sur plusieurs axes qui nous permet de disposer d’une grande flexibilité offerte par une fabrication en interne. Les autres pièces n’étant pas en composite mais métalliques nous les faisons usiner en externe à part des formes particulières que nous finissons d’usiner et d’assembler en interne », détaille M. Delfino.

Elaborées par les équipes suisses de Venturi Space, les roues font appel aux composites notamment pour leur solidité et leur flexibilité. Les conditions environnementales sur la lune ne sont en effet pas supportées par tous les matériaux. Les roues en opération doivent ainsi maintenir leur fonctionnement entre +130 et 150°C et jusqu’à -240°C lorsqu’elles sont « en conditions de survie » c’est-à-dire d’attente, pendant la nuit lunaire.

Des composites pour les pièces non structurelles

Les composites sont également localisés sur le véhicule sur des pièces de toutes tailles, secondaires ou intermédiaires, ne remettant pas en question le fonctionnement structurel du véhicule.

« Il n’y a pas de matériau « Graal » pour ce type de rover. La légèreté et la résistance spécifique des composites leur donne néanmoins une certaine valeur car ils ont une faible densité par rapport à leur résistance. Il n’y a pas de surprise avec les composites. Cependant le procédé d’obtention est plus complexe que pour les matériaux métalliques. En effet, nous devons parfois renoncer aux composites même s’ils sont plus légers car ils doivent être moulés, et restent difficiles à usiner finalement, ils coûtent plus chers que d’autres matériaux. Ils sont également délicats à assembler et il faut souvent des pièces supplémentaires pour les associer à d’autres matériaux », regrette Antonio Delfino. L’usinage de certaines pièces est donc facilité par l’utilisation d’acier, de titane ou d’aluminium, comme c’est le cas pour les voiles des roues, qui sont des pièces en aluminium évidé. Les câbles sont, eux, en acier filamentaire avec un encrage également en acier.

Quand les formes des pièces sont simples, que leur fabrication est accessible et que les composites font gagner de la légèreté au véhicule, en revanche, plus d’hésitation. « Nous avons construit les machines permettant de fabriquer les anneaux extérieurs des roues, en composites pour en réduire le poids. Nous recourrons principalement à des matières thermodurcissables avec des fibres structurelles telles que le verre, le carbone et/ou l’aramide. Les résines thermoplastiques, nous y renonçons, car à l’état fondu elles sont très visqueuses, donc difficiles à manier contrairement aux résines thermodurcissables qui sont très fluides avant polymérisation. De plus, nous avons moins de recul avec les thermoplastiques pour les pièces de rang 1 (pièces de sécurité) aéronautiques. Par ailleurs, la tenue thermique des thermodurcissables reste très stable entre +190 et -270°C (ce qui est proche du zéro absolu). La tenue à la fatigue des composites est aussi un point capital pour nous », détaille Antonio Delfino.

Au-dessus des roues, les garde-boue sont également allégés par les composites tout comme les bras articulés et motorisés de la suspension. Ils sont fabriqués en composites constitués de fibre de carbone et de résine thermodurcissable. Les bras permettent de réduire la garde au sol du rover afin de lui conférer une fonction d’engin de levage, ce qui aidera les astronautes à réaliser certaines tâches malgré leurs difficultés de motricité liées à leurs combinaisons.

La mission à visée commerciale de fin 2026 devra en effet transporter divers types de charges utiles pour des clients souhaitant les tester en conditions lunaires. L’astromobile, capable de transporter environ 1500 kilos de charge utile totale à une vitesse maximale de 20 km/h en plus de deux astronautes, pourrait par exemple acheminer des médicaments afin de tester leur tenue lorsqu’ils seront soumis aux radiations (en effet sur la Lune, il n’y a pas d’atmosphère). « La médecine spatiale est un vaste sujet car la durée de vie d’un médicament bien définie sur terre ne sera pas forcément identique en fonction des niveaux de radiations solaires et cosmiques sur la lune », précise M. Delfino.

Lorsqu’ils circulent à bord de leur véhicule, les astronautes se tiennent debout sur la plateforme, le « crewstand », lui aussi en composites carbone. Actuateurs, moteurs électriques de traction et 2×2 blocs de batteries de chaque côté du rover permettent de faire avancer le véhicule. Les batteries, qui contiennent de petites pièces en composites au niveau des cellules élémentaires, sont protégées par des pièces intermédiaires avec une matrice en polyimide pour l’isolation électrique et d’autres ayant la capacité de former des ponts thermiques afin d’évacuer les calories. Elles sont alimentées par des générateurs solaires en forme de trapèze, les cellules solaires y sont collées avec du silicone spatial et le panneau est en composite carbone. « L’âme du panneau est en nid d’abeille d’aluminium ou de polymère, elle est encadrée par deux semelles en composites fibre de carbone et matrice thermodurcissable. Ces dernières confèrent la bonne rigidité de flexion tout en maintenant une excellente légèreté », conclut le directeur de Venturi Space Suisse.

Les voitures de sport de Venturi ont également recours aux composites.

De la Terre à la Lune

C’est en 2019, sous l’impulsion du Président de Venturi, Gildo Pastor, que le programme de rover électrique lunaire a été lancé. L’entreprise était réputée, par ailleurs, pour ses voitures de sport. Les composites y tiennent, tout comme pour le rover lunaire, une place de choix. Le modèle de voiture de sport électrique Fétish, dispose ainsi d’un châssis monocoque en fibre de carbone et est fabriqué grâce à des technologies issues de l’aéronautique. Le véhicule hybride électro-solaire Astrolab, optimisé pour l’intégration de cellules photovoltaïques est quant à lui équipé d’un châssis en carbone permettant d’allier légèreté et protection des occupants.

Photos : Venturi Space

More information venturi.com

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